Tout, est ce que nous avons toujours voulu Espace Khiasma

13/02/14 > 29/03/14

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©Aurélien Mole
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Dossier de presse

Commissariat : Corinne Digard et Estelle Nabeyrat

 

Avec Nicolas Aiello, Pauline Curnier Jardin, Jochen Dehn, Loreto Martinez Troncoso, Aurélien Mole, Estefania Peñafiel Loaiza, Régis Perray, Aurélie Pétrel, Mathilde du Sordet, Maxime Thieffine et les adolescents des Ulis des collèges Claude Debussy (Aulnay-sous-Bois, 93), Jean Vilar (Villetaneuse, 93), Gustave Courbet (Pierrefitte-sur-Seine, 93), Lucie Aubrac (Livry Gargan, 93), Jacques Prévert (Pais 6e), Colonel Fabien (Montreuil, 93), Tristan Bernard (Besançon, 25), Saint-Michel-de-Picpus (Paris 12e), René Cassin (Noisy-le-Sec, 93), le Vieux Chêne (Chessy, 77).

Photos ©Aurélien Mole

 

Tout, est ce que nous avons toujours voulu est un projet à dimensions variables de l’association Orange Rouge. Il restitue les travaux réalisés par dix artistes et des adolescents, scolarisés en 2012-13 dans les classes Ulis de dix établissements de la Seine-Saint-Denis, de la Seine-et-Marne, de Paris et de Besançon. Pensé comme une exposition, le projet accueilli à Khiasma est également un espace de dialogue au sein duquel plusieurs intervenants (acteurs de terrains, universitaires et artistes) seront invités à échanger au cours d’une série de discussions articulées autour des notions d’art et de handicap. L’exposition est donc l’occasion de rendre visible dans un temps donné et surtout de comprendre l’ensemble des activités dans lesquelles Orange Rouge est engagée depuis 2006.

 

Note d’intention

« Orange rouge défend un projet singulier autant qu’ambitieux en ce qu’il s’est constitué autour de problématiques sociales et artistiques dont la rencontre et le point d’ancrage, se situent au cœur de l’expérience pédagogique. C’est une posture particulière dans le paysage artistique francilien (et au-delà, puisque l’association accompagne également des interventions en région) et ce sont là sans doute les bases constitutives d’une démarche atypique autant que motivante pour tout artiste ou commissaire qui aime questionner sa pratique et ses marges.
C’est là pour moi, et pour tous ceux qui travaillent contextuellement, un cadre de réflexion qui incite à recalibrer sa propre démarche et la production qui en découle.
Depuis plusieurs années, Orange Rouge a fait le choix de l’exigence vis-à-vis des cadres qu’elle sollicite. Elle propose à des artistes sérieusement engagés dans le développement d’une recherche esthétique d’intervenir dans un contexte scolaire, au sein de classes accueillant des élèves en difficulté, le plus souvent dans des quartiers de la périphérie urbaine. Mais il ne s’agit pas là de décharger dans les mains de l’artiste la lourde responsabilité de retisser les discrépances ou les difficultés observées au sein de l’enseignement artistique, ni de le placer dans la posture du médiateur comme l’avait décrit le critique d’art Tristan Trémeau dans un hors série d’Art Press parut en 2001. Comme si l’art devait trouver là une fonction, une utilité, voilà ce que l’article décriait à travers la grande systématisation de certaines structures à vouloir que les artistes accompagnent leurs expositions de suivis et d’interventions publiques.
Orange Rouge défend un projet tout autre et place la proposition artistique au cœur d’une dynamique collective et éducative. Sa philosophie s’attache plus particulièrement à des notions d’échange et de développement personnel partagées par ses acteurs. Elle favorise l’expérience et déplace les cadres stricts des postures sociales dans le milieu scolaire : ici les élèves sont invités à mener un travail collaboratif avec l’artiste.
C’est qu’Orange Rouge est avant tout une démarche issue elle-même du travail et de la réflexion d’une artiste. Corinne Digard a placé son objectif dans la qualité de ses échanges et s’est intéressée à penser une typologie de projet qui tienne compte de la pratique de l’artiste et de ses modes opératoires. Il s’agit donc ici de faire coexister les réalités de deux univers en respectant chacune de leurs propriétés.
Par conséquent, dans la logique de cette transversalité appliquée, les œuvres réalisées avec les élèves sont présentées hors cadre scolaire à l’occasion d’une exposition organisée par les soins de Corinne Digard en collaboration avec un commissaire invité. Ainsi au-delà du temps de travail partagé avec l’artiste, les élèves font l’expérience du public, se confrontent aux regards, aux appréciations, croisent les autres réalisations et accèdent à un autre niveau d’enseignement, rétroactif et prospectif.
Le projet Orange Rouge ne se limite pas au cadre stricto sensu de l’école et laisse transparaître une notion plus vaste de l’apprentissage et de la connaissance souvent appréhendée par les élèves comme une autorité. Les classes Ulis regroupant des adolescents en difficultés scolaires et pour certains avec des handicaps psychiques tentent d’adapter la structure éducative à ces élèves en adaptant le rythme des cours et le contenu des enseignements. C’est là, l’un des résultats de nombreuses années de recherches et d’expérimentations de la discipline pédagogique dont Fernand Deligny (1913-1996), travailleur social et éducateur, fut l’un des acteurs les plus importants en France. Avec les enfants autistes qu’il accompagna, Deligny eut l’intelligence de déplacer les notions de langage en direction d’un mode d’expression adapté au handicap des enfants. C’est ainsi que la notion de traces et de parcours est apparue à travers la pratique du dessin pour mieux cartographier une pensée insaisissable, là où les mots ne peuvent intervenir. Le travail de ces enfants menés dans ce contexte pédagogique connait désormais un intérêt dans le domaine artistique en ce qu’il recoupe une lecture esthétique et offre une clé de compréhension du rapport à l’invisible. Les dessins des enfants ont d’ailleurs été présentés à la dernière biennale de São Paulo, preuve, parmi d’autres, que la porosité entre le champ de l’art et de l’éducation infantile regorge de sources et d’exemples.
Inversement, nombreux sont les artistes qui se sont intéressés à l’univers de l’enfant pour penser des objets, des situations et des environnements. Pour proposer des espaces de jeux, par exemple comme ce fut le cas du brésilien Waldemar Cardeiro, artiste néoconcret qui, dans les années 60, s’est intéressé aux déplacements et à la gestuelle enfantine encouragée par des situations formelles spécifiques : formes tubulaires pour grimper sur les murs, spirale déambulatoire et autres motifs appréhendables. Il a développé des labyrinthes architecturés pour enfants qui n’étaient pas uniquement destinés à faire valoir leur valeur artistique, mais à lier l’expérience esthétique à l’expérience physique même. Plus que l’objet façonné, c’est le caractère performatif suscité qui importait ici en prêtant toute son attention sur la manière dont les enfants s’approprient l’espace et leur potentiel à inventer des situations corporelles.
Orange rouge est un cadre d’expérimentation, elle invite au déplacement des situations préétablies et transgresse la notion autoriale. Au regard du corpus d’œuvres de chacun des artistes, il faut observer le résultat de cet échange par le prisme de son contexte. Les artistes y intègrent des notions plus aléatoires dans leur pratique. La non-maitrise de certains paramètres du processus créatif semble avoir été intégrée dès le travail de préparation. Dans la forme, une place importante est faite à des méthodes non contingentées à priori, des médiums appropriables ne nécessitant pas de connaissances spécifiques, mais qui permettent aux adolescents d’intervenir avec leur champ de savoir.
C’est cette spécificité, autant que la façon dont elle opère dans un ensemble qu’il s’agira de rendre palpable et de mettre en scène au cours de cette nouvelle session d’interventions. Les œuvres produites dans le cadre du projet Orange Rouge seront présentées au public fidèlement aux intentions de chacun des acteurs en laissant transparaître, par de subtiles points d’attaches et références, ce que le « collaboratif » avec chacun des élèves est venu troubler dans une pratique artistique attachée à son identité. »
Estelle Nabeyrat, janvier 2013

 

Estelle Nabeyrat – Commissaire invitée 2012-2013

Estelle Nabeyrat est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante.
 Elle a réalisé de nombreuses expositions principalement en France, en Allemagne et aux Etats-Unis.
Diplômée en Histoire de l’art (Sorbonne Paris) et Sciences de la culture (Université de Leipzig), elle a suivi le programme curatorial de l’Ecole du Magasin à Grenoble. Elle est actuellement étudiante-chercheur à l’EHESS à Paris.
Avec plus de six années d’expériences en école d’art (Akademie der Bildenden Künste Wien, ENSBA Lyon), elle développe conjointement une pratique curatoriale qui se veut expérimentale et contextuelle. Lauréate de la Brown Fellowship de MFAH Houston, elle a été résidente au Pavillon du Palais de Tokyo et à Capacete Rio de Janeiro. En 2012, elle reçoit l’allocation du Centre Nationale des Arts Plastiques afin de mener une recherche en théorie et critique d’art sur la pensée anthropophage au Brésil.
Ses textes ont été publiés dans : Kaleidoscope, 02, L’art même, n.paradoxa et plusieurs catalogues.